C'est le carnet de mes trois ans, mais ce 21 avril 1957 aucune mention spéciale n'y figure, tout juste les dépenses, quotidiennes pour la plupart: pain, lait et viande. Si la situation financière du foyer est provisoirement stabilisée et sécurisée, il n'y a pas de quoi faire la fête et encore moins des cadeaux. Et puis à cette époque, on n'invitait pas tous les mômes du quartier pour les anniversaires. Mais ce recueil de 31 pages m'en apprend beaucoup sur le rythme de dépenses et donc de vie de la maison, moi qui n'ai aucun souvenir de cette période.

Ma mère Suzanne, qui a eu 31 ans le 11 mai, fait ses courses tous les jours et règle ses achats systématiquement: plus de dettes au Familistère! De nouvelles dépenses se font jour, comme par exemple un voyage à Lexy (probablement dans la famille Herbin) et l'achat de fleurs le 18 avril pour 1530Fr ou encore l'achat de cocardes pour le défilé du 8 mai. Et puis ma mère nous a emmenés ainsi que mon oncle Dédé, 14 ans en 1957, à la fête foraine de mai.

Le 17 mai elle dépense 200Fr pour du chocolat et un album Cémoi. Le 29 mai je vois l'achat d'une pellicule photo pour 200Fr, développée vers le 11 juillet et je sais maintenant à quelle période a été pris ce cliché avec mes deux frères au bord de la rivière La Crusnes, au fond du jardin de mes grands-parents maternels, probablement avant leur départ en colonie de vacances.

En juin 1957 le loyer réglé à Mme Ponozny se monte à 1705Fr. La veille ma mère a noté qu'il lui restait 20583Fr à dépenser. Mais je n'ai aucune idée des recettes mensuelles depuis le décès de mon père. Le 2 juillet est payée 2325Fr une cotisation S.S., comme Sécurité sociale je suppose. Le 9 juillet René et Jean-Pierre partent de Longwy en colonies de vacances pour Epaux-Bézu, avec 1000Fr d'argent de poche. Les deux valises ont coûté 1820Fr.

Le 19 juillet "Confidences", magazine hebdomadaire féminin créé en 1938 par Paul Winkler, est acheté pour 50Fr. Le 26 juillet ma mère achète des Rogeron, biscuit à peu près aussi populaire que les Rem! L'épicerie est parfois achetée au Comptoir français ou chez le primeur Lesquois (cousin très éloigné comme je le découvrirai récemment dans mes recherches généalogiques). Le 7 septembre une facture de 9600Fr est payée à l'entreprise Mangin, correspondant sans doute principalement à la pose fin 1956 d'une arrivée d'eau froide à la cuisine de l'étage. Ma mère n'aura plus à transporter de l'eau depuis la cuisine désaffectée du rez-de-chaussée.

Le 13 septembre mon frère Jean-Pierre se voit offrir un cahier de dessin car il commence, à 10 ans, à montrer déjà un vrai talent! A la rentrée 1957 (fin septembre je pense) j'entre à l'école maternelle en face de chez moi et ma mère commence à travailler comme femme de ménage à la quincaillerie This et chez Mme et M. Adnot pour 120Frs de l'heure.