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Le vieux palmeur
Le vieux palmeur
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2 mai 2018

Quand un prof en retraite revient faire cours, mais pas court, au mariage de sa fille

La mission que m'avait confiée ma fille, si je l'acceptais, était d'écrire un texte que je devrais lire à la cérémonie de mariage de ce samedi 28 avril. Pas de consigne précise si ce n'est la durée et l'ordre de passage : en premier, après l'introduction lue par l'amie Caro, maître de cérémonie d'un jour! La cassette des instructions n'étant pas partie en fumée juste après sa lecture, ce n'était pas vraiment pour moi Mission impossible! Je me suis donc attelé à l'écriture de ce qui suit quelques jours avant l'événement, écrivant au fur et à mesure que les idées germaient dans ma tête. 

Lors de mon intervention, qui a finalement duré près d'un quart d'heure, j'ai agrémenté mon discours de quelques photos A4 et A3 retraçant l'enfance puis l'adolescence de celle qui, depuis trois jours, ne s'appelle plus Lesquoy... 

 

"Bonjour,

 

Si j'ai bien compris, je suis en charge de chauffer la salle! Alors voilà, Je m’appelle Lesquoy, Gérard…ment fait ça. J’ai 64 ans et une semaine. Il est encore temps de me faire un petit cadeau. D’ailleurs une valise est mise à votre disposition dans cette salle. Elle n'est pas déposée par RTL et on n'a donc rien à gagner mais elle est apportée par Sylvain, animateur de la radio Lausanne FM et vous devez donc la remplir, en euros... ou en francs suisses!

 

Je suis votre nouveau professeur de Physique au collège Louis Aragon de Jarny : déjà 38 ans au boulot et quatre en retraite. Mais la loi du 1er avril dernier votée par l’Assemblée Nationale a mis fin au statut de tous les fonctionnaires et, afin de pourvoir au remplacement des profs malades ou blessés par leurs élèves, leurs grands frères ou leurs parents, le ministre de l’Education Nationale a décidé de faire appel aux P.A.P.E., ou professeurs agrégés pensionnés de l’Etat, qui devront travailler cinq années supplémentaires, sous peine de voir leur pension frappée d’une CSG à 90% en cas de refus.

 

A la veille du 1er mai 2018, je me suis donc résigné à intégrer le nouveau corps des P.P.P. , les professeurs précaires polyvalents, créé en P.P.P., partenariat public privé, permettant à l’Etat de louer les enseignants à des sociétés de service privées. Je suis donc affecté pour remplacer votre professeur de S.V.T. et d’Allemand, Mme Bahl, prénom Trude, qui était venue tout spécialement de Sarrebrück fin mars dans le cadre d’un échange franco-allemand. Elle est hélas en arrêt maladie non rémunéré pour dépression (pathologie trop répandue pour être reconnue) depuis qu’un petit crétin de Troisième lui a dit qu’elle avait une face de C.U.L.…

 

Ah, quelqu'un me parle dans l’oreillette ; ma surdité naissante, liée à 45 années de concerts rock, m'empêche de bien comprendre, mais je reconnais le petit filet de voix de ma jeune et timide collègue de lettres modernes, une certaine Mélanie BOI...LEAU... enfin, sauf à la cantine où elle ne crache pas sur un p'tit canon de rouge…

 

Bon, je crois comprendre qu'elle me demande de faire court, car elle a cours juste derrière moi. Donc, polyvalent comme je suis, je vais vous entretenir d’histoire, de géographie, d'anatomie, de musique, de photo et de sport en moins de 52 minutes!

 

12 mars 1988 : Joan Baez donne un magnifique concert à Verdun ; je le sais, j’y étais. Le même soir, Michèle, jeune mère de famille, de 37 ans quand même, veille sur un joli bébé né deux jours avant à la clinique des Primevères à Metz (qui a fermé ses portes quelque temps après...). Kévin, arrivé presque trois ans plus tôt, a une petite soeur!

 

Elle n'est pas Belle puisqu'il n'est pas Sébastien... Alors elle sera Mélanie et débarquera quelques jours plus tard au 35 rue Charles Gounod à Jarny alors que son frère est parti en vacances pour Marseillan chez mamie Madeleine et papy Marcel. La petite soeur découvrira leur belle maison en été mais aussi les joies de la plage puis, les années suivantes, celles des châteaux de sable, des premières baignades, des parties de beach-ball avec son frère ou des courses au marché avec mamie.

 

La "pépète en bois", comme sa mamie la surnommait les premières années, va progressivement réaliser que ses parents sont par ailleurs tous les deux profs, et que ce n'est pas toujours un cadeau, même s'ils ne lui ont jamais refusé une poupée Barbie. Une gosse d'enseignants, ça se doit d'apprendre la musique dès le plus jeune âge, donc le piano à six ans comme son frère, ça se doit de pratiquer un sport et là, ce sera le volley-ball à l'USJ sous la houlette d'Albin Strappazon, avec la consécration des championnats de France à Flers en mai 99 puis un titre de championnes de Lorraine conquis à Champigneulles le 12 juin de la même année!

 

Et puis il faut accepter de se déguiser pour Carnaval à l'école maternelle et c'est ainsi qu'on se retrouve sans le vouloir transformée en téléphone en février 94!

 

Enfin, une fois à l'école primaire Saint-Exupéry, y a des instits supers et donc du boulot tous les soirs, avec le plus souvent maman aux commandes! Heureusement, c’est souvent nounou Chantal qui se charge des travaux pratiques : découverte du potager et des fleurs, étude de la respiration à l’aide de poumons de veau qui finiront comme mou pour le chat, balade dans la nature avec un même un tour du lac de Madine ! Sans oublier les cours de catéchisme... qui finissent forcément en communion solennelle!

 

Mais, des parents profs branchés culture et abonnés à Télérama, ça n'a pas que des inconvénients : au moins trois fois par an, nous partons tous les quatre en vacances : Marseillan bien sûr, mais aussi les côtes de Bretagne tous les ans, dès l'été 1990 en camping à Saint-Cast-le-Guildo, puis Villars-de-Lans en 1991, Longeville en 1992, Les Menuires en 1993, Plougrescant en 1994, Audierne en 1995, le golfe du Morbihan en avril 96 puis Sarlat avec mamie Madeleine l'été 1996, Crozon en avril 97 puis ne nouveau Sarlat en été, la Toscane en avril 98 puis Kerlouan l'été, Concarneau en avril 99 puis l'été à Marseillan avec un baptême de plongée mémorable au Cap d'Agde le 12 juillet avec la copine Céline.

 

Mais Mélanie préférera buller en surface, en enfilant des perles et en confectionnant de superbes colliers qu’elle ira vendre dans le quartier. Alors nous fréquenterons souvent les boutiques spécialisées de Locronan, de Pézenas et de Saint-Guilhem-le-Désert.

 

Au fil des ans et des fréquentations, au collège, puis au lycée ou au château de Moncel, les passions de notre chère fille évoluent, parfois fugaces mais souvent coûteuses!.. Et le caractère s'affirme. Si le piano est apprécié, il n'en va pas de même du solfège. Curieuse, notre fille l'est assurément, et nous verrons défiler à la maison saxophone, guitare et basse électriques... instruments désirés, pratiqués avec plus ou moins de bonheur puis délaissés plus ou moins rapidement.

 

Reste un joli brin de voix, mis en valeur un temps par Pascaline, la super prof de musique et de chant du collège, ce qui fera le bonheur des parents lors de spectacles de fin d’année mais aussi lors d'un concours de chant à Nancy en décembre 2002, en duo avec l'amie Constance.

 

Il est vrai que la musique mais aussi la lecture sont omniprésentes depuis toujours à la maison. Et, si la maman a offert très tôt à Kévin et Mélanie une grande variété de livres, comme ceux de l’Ecole des Loisirs, le papa, non pratiquant d’un instrument mais grand consommateur de vinyles, a gavé ses mômes avec Pink Floyd, Camel, Yes, Emerson, Lake and Palmer, Led Zeppelin, Joan Baez, Machiavel, Renaud, Jacques Higelin, Charlélie Couture, et bien d'autres. En bagnole, il y avait toujours une cassette qui tournait dans le lecteur, et puis, quand on allait rendre visite à mamie Suzanne à Longuyon, on avait parfois droit à une ritournelle d'Edith Piaf ou d'André Rieu ou à une valse de Strauss. En vacances, les occasions d'aller visiter des aquariums, des musées, des grottes, des châteaux, des abbayes ou encore à des concerts, au cinéma ou au théâtre étaient nombreuses, à Sète, Agde, Concarneau, Camaret, Carcassonne, Pézenas, Lascaux, Tautavel, Sarlat et bien d'autres. Sans oublier les restaurants et les crêperies!

 

Alors l'ado Mélanie, moins branchée jeux vidéos et films fantastiques que son aîné (même si elle a un faible pour Johnny Depp), va évoluer musicalement de Lara Fabian et Mariah Carey à Mickaël Jackson puis Marilyn Manson, avec look gothique de rigueur (aussi moche qu'un téléphone jaune mais on a évité les piercings!)

 

Et la môme, qui a découvert le métal au Plein Air de Rock, ne rechignera pas à suivre son père à quelques concerts moins hard, comme celui de Pat Travers à Amnéville le 26 octobre 2004 où le beau bassiste Tony Franklin lui a offert un mediator. Pour aller voir Marilyn Manson à Esch-sur-Alzette le 11 juin 2007, c'est le paternel qui fera l’effort d’accompagner sa fille!

 

Au final, des parents certes profs mais pas culs serrés, exigeants mais ouverts à la discussion et à la critique, engagés syndicalement et politiquement et militants, l'une croyante et l'autre non, ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de plus contraignant, même si l'adolescence n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, même s'il y a eu des crises, des cris, des rebellions, des coups de pied au cul voire quelques taloches équitablement réparties et des recadrages salutaires pour l'un comme pour l'autre ; une vingtaine d'années passées à remplir une caisse à outils de vie, d’humanité, de tolérance, d’ouverture aux autres, ça s'accompagne forcément de coups de marteau sur les doigts, de dérapages et de clous tordus. En même temps, les situations conflictuelles de l'adolescence forgent le caractère et Mélanie, comme son frère, n'en manque pas !

 

Je sais que cette boîte à outils, aussi incomplète soit-elle, l'aide depuis sept ans à affronter le dur monde du travail et un boulot d’enseignante pas facile au quotidien mais aussi à éduquer, avec Vincent, deux mômes extraordinaires, Tristan et Oscar, qui semblent avoir hérité du côté rebelle de leur mère... à la puissance dix et avec dix ans d'avance! Je ne peux que m'en réjouir, même si ces deux lascars, pétillants, drôles, sensibles, affectueux, curieux, mais aussi bavards, roublards, taquins, colériques, bagarreurs, procéduriers, revendicateurs, voire fins négociateurs, mettent souvent les nerfs de leurs parents à rude épreuve. Qu'ils se rassurent, ils en ont pris pour vingt ans minimum! Mais quelle aventure extraordinaire que nous sommes si heureux de partager avec vous. Merci à Mélanie et à Vincent pour ces deux présents si présents qui illuminent nos vies depuis cinq ans."

 

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