Les recettes de ma mère Suzanne Lesquoy au cours de l'année 1961: carnet N°52 (article publié le 25 janvier 2018)
Depuis 1946, année de son mariage, ma mère a compté quotidiennement ses sous, non par avarice mais parce qu'il fallait joindre les deux bouts, en utilisant au mieux la paie d'ajusteur que ramenait mon père de l'usine, jusqu'à son décès en 1956. Il a bien fallu s'en sortir ensuite pour élever et éduquer mes deux frères et moi, le petit dernier arrivé en avril 1954. Alors ma mère, après être restée à la maison une année, le temps que je puisse entrer à l'école maternelle située en face de notre bicoque de la rue Albert Lebrun à Longuyon, a commencé à chercher du travail. Son bon niveau scolaire acquis juste avant la guerre ne lui a hélas pas servi et elle n'a pu trouver que des emplois de femme de ménage, jonglant entre ses divers horaires de travail et ceux de ma sortie de l'école. Elle a pris soin de noter toutes ses recettes et ses dépenses dans des petits carnets que j'ai récupérés à son décès en mars 2016.
Hier, en fouillant dans cette grosse boîte métallique de biscuits BN où elle stockait tout cela, je me suis plongé dans ce petit carnet rouge "gains 1961". Et j'y ai découvert ce que ma mère gagnait chaque mois, à un tarif horaire tournant autour de 150 anciens francs en 1961, ainsi que les diverses aides qu'elle parvenait à obtenir de la ville de Longuyon, des services sociaux de l'usine de mon père, au titre des pupilles (mon père avait été prisonnier de 1940 à 1945), mais aussi des Canadiens, les militaires installés dans le cadre de l'Otan dans notre ville, qui apportaient des colis de nourriture et de jouets aux familles en difficulté. Alors j'ai eu envie de publier ici une partie de ces dizaines de petits carnets accumulés pendant plus de soixante années par ma mère.